Tout un tas de rumeur se propageait concernant les risques que l'on encourrait en prenant part à toute progression au sein du labyrinthe aux secrets. Sans doute pour effrayer et décourager les plus froussards, de sorte à écrémer, et à réduire le nombre de participants, pour éviter la cohue, pour garder dans le meilleur état possible les haies, ou bien pour de toutes autres raisons. A moins que l'on ne cherche en réalité à donner de quoi se sustenter à tout être en mal de frissons et d'expériences périlleuses, risquées et mouvementées. Pour palier à une vie plate et morne, si peu passionnante et trépidante. Peut-être. En tout cas, quelle que soit la véritable raison de la construction de telles rumeurs et de telles superstitions, Satyne n'avait que faire de tout cela. Elle était loin d'être de ceux qui s'effraient pour un rien, et qui se découragent dès la moindre petite brise qui se lève. Dans le fond, elle ne craignait rien de tout ce que l'on pouvait promettre en terme de risques et de dangers aux participants qui accepteraient de pénétrer dans le labyrinthe. Elle n'avait pas peur. Elle n'avait peur de rien, d'ailleurs, ce qui avait pu lui jouer des tours à maintes occasions, plus jeune, lorsqu'il s'agissait d'éviter de grimper dans les plus hauts tours du Château royal de Dragoreth ou de se lancer dans des escapades jusqu'aux repères des dragons sauvages qui peuplaient encore les contrées. De telles bravades et ce goût pour l'aventure périlleuse et dangereuse avaient un prix, qu'elle avait payé. Ce prix si conséquent, si irréversible : le prix du sang, celui de son époux.

Si, à présent, la mort de Falko appartenait au passé, Satyne était bien ancrée dans ce moment présent, en effectuant ses premiers pas dans le labyrinthe, doucement, sans se presser, se décidant à quelque peu observer les premières haies qu'elle longeait. Sans doute ne jurait-elle pas, pour l'instant, au milieu de ce paysage végétal. Les nuances de vert et d'émeraude de sa tenue lui allaient comme un charme, mais il fallait tout de même reconnaître que toutes les couleurs semblaient lui siéent. Loin d'être engoncée dans des apparats qui lui bloqueraient la respiration et qui entraveraient ses moments, Satyne avait la sensation d'être quasiment nue, pour ainsi dire. Pas qu'elle le soit réellement, cependant. Il y avait bien trop de prudes dans les environs, de petits cœurs bien fragiles qui tenaient tant aux règles de la convenance. Et bien qu'envoyer paître tout ce petit monde ne lui poserait jamais absolument aucun problème, le fait était que, tout de même, elle ne se trouvait pas dans le royaume dont elle était l'une des princesses. Et les siens avaient déjà suffisamment de griefs contre le Val de Joly pour rajouter du feu au brasier. Et l'on aurait tôt fait de l'accuser de tenter de distraire ceux qui s'élanceraient avec elle dans le labyrinthe, si jamais il se trouvait parmi eux ne serait-ce qu'un membre du genre masculin.

Sans doute aurait-elle pu choisir de tricher, ayant accès, de par son rang, à bien des réseaux, et n'ayant absolument pas à courir après la moindre proposition d'aide, d'appui et de soutien. Nombreux étaient les courtisans, en tout royaume. Et nombreux également étaient ceux qui n'avaient absolument aucun cas de conscience à aller à l'encontre des intérêts de leur propre famille régnante pour s'attirer les faveurs de l'un des Dragons de Bramblesland, tout princier puisse être celui-ci. Même si ce genre d'attitude était loin d'être légion en Bramblesland, justement, chacun sachant combien le courroux des Thornsfield pouvait vous être dramatiquement fatal. Satyne n'avait donc accepté aucune des propositions de tricherie qu'on lui avait. Peu importait les rumeurs sur les siens, la princesse aimait la jouer à la loyale lorsqu'elle pouvait se le permettre. Ambitieuse et compétitrice, certes, elle l'était, mais elle savait très bien ce qu'elle valait, et adorait par dessus tout obtenir ce qu'elle désirait sans que l'on puisse n'y avoir rien à redire. Cela coupait l'herbe sous le pied de toute langue critique et venimeuse, qui chercherait à la décrédibiliser. Faire enrager quelqu'un qui ne peut rien vous dire et ne vous opposer aucun argument, c'était tellement plus jouissif et agréable, non ? Alors, de la même façon, Satyne avait ordonné à Kandoryann de rester loin des festivités, refusant son aide aérienne, pour la guider, et refusant aussi de la mettre en danger si un abruti la prenant pour un gros oiseau et essayant de lui tirer dessus pour la faire choir de son envol aérien. Se stoppant dans ses premiers pas, Satyne pensait donc seulement à ce qu'elle allait sans doute devoir faire, par elle-même, pour traverser ces festivités sans anicroches, et sans avoir à être honteuse d'elle-même. Époussetant quelque peu sa robe, par geste réflexe, elle se tourna de trois-quart face vers les autres participants qui l'accompagneraient, non sans pencher la tête de côté, les observant un à un, comme pour chercher en leur visage tout faciès qu'elle connaîtrait déjà, ne serait-ce que de nom.